A chaque époque, ses maladies. Les réponses scientifiques progressent, mais nos modes de vie contemporains s’accompagnent de nouvelles pathologies. Si la peste bubonique n’est plus qu’un cauchemar passé, des maux apparaissent résultant de nuisances plus récentes : amiante, pesticides, radiations nucléaires… et champs électromagnétiques artificiels ?
Le XIXe siècle fut celui du triomphe de la Révolution industrielle. Le point de départ technologique en a été l’invention de la machine à vapeur. Qui dit machine à vapeur dit combustion de charbon produisant des fumées, des suies, des particules fines, en bref, de la pollution de l’air. Ce fait, aujourd’hui si évident, passait à l’époque inaperçu. Car le grand public, les élites dirigeantes ou le monde scientifique, ne pensaient pas en termes de pollution et d’environnement, concepts qui n’avaient pas encore intégré l’inconscient collectif. Il faut rappeler que le mot écologie n’a fait son apparition qu’en 1866, sous la plume du zoologiste et biologiste allemand Ernst Heinrich Haeckel. Et qu’il a fallu encore un siècle avant que ce mot rentre dans le vocabulaire courant.
Le XIXe siècle fut celui des maladies des voies respiratoires, étant donné la pollution de l’air dans les villes et leurs faubourgs industriels. Cela se voit non seulement dans les statistiques des premières grandes enquêtes de santé, mais aussi dans la littérature : le Londres de Sherlock Holmes était régulièrement noyé dans le brouillard du smog industriel ; et La Dame aux camélias, bien que se prostituant, n’est pas morte d’une infection sexuellement transmissible, mais d’une tuberculose pulmonaire.
Champs électromagnétiques : quel coût pour la santé ?
Mais revenons-en à notre époque si obsédée de santé publique et d’écologie, de prévention sanitaire et de protection de la nature. Innovation est le maître mot de notre siècle : l’innovation à tout prix, la dernière technologie devant toujours plus vite supplanter la précédente. De par la magie du numérique, via l’ordinateur et la téléphonie mobile, nous rêvons d’un monde connecté où une boîte posée sur un meuble du salon consulte Google à notre place pour répondre d’une voix synthétique à nos questions triviales ; où le réfrigérateur nous informe des produits manquants, puis les commande au supermarché ; où l’on peut allumer la lumière par commande vocale ; et où notre navigateur utilise nos données de connexion pour nous proposer des produits et services qui nous correspondent. La 5G, précédée du Wi-Fi depuis les années 2000, vient enfin combler ce rêve. Mais à quel coût pour notre santé ?
Nous connaissons déjà les problèmes que les champs électromagnétiques artificiels (ou CEMA) émis par ces technologies posent aux personnes électro-hypersensibles. Nous connaissons aussi la force des logiques industrielles et commerciales qui appuient le développement des technologies du numérique. Faut-il s’attendre à ce qu’un scandale sanitaire de plus éclate tôt ou tard ? Ce dossier propose des éléments de réponse.
Ondes, champs, 5G… quelques définitions pour comprendre
L’onde est une perturbation qui se propage dans un champ. Sa fréquence est son nombre d’oscillations par seconde ; sa longueur, la distance entre deux oscillations.
Le champ électrique est présent, même sans courant. Mais le champ magnétique n’apparaît que si un courant passe. Et si champ électrique
et magnétique sont dissociables pour
les basses fréquences (électricité domestique), ils sont indissociables pour
les hautes fréquences (téléphonie mobile).
3G, 4G, 5G : “G” pour génération technologique, jalons de l’essor de la téléphonie mobile. La 1G, pour les premiers portables, ne transmet que la voix. La 2G y ajoute les SMS. La 3G connecte le mobile au web, et y joint photo, vidéo et télévision. La 4G augmente les débits, le mobile devient un ordinateur de poche. La 5G va décupler ces débits, impulsant l’essor des objets communicants et de toutes sortes d’applications (de l’éducation à la téléprotection en passant par l’intelligence artificielle). Elle combinera les bandes de fréquences des autres G pour une meilleure couverture. Elle passera aussi par la bande 26 GHz, dite millimétrique, qui couvrira les lieux réduits, mais très fréquentés, et qui n’a pas été évaluée sur le plan des risques sanitaires.
Des enjeux économiques majeurs
La 5G impulse le développement de vastes secteurs de l’industrie et de la consommation : objets communicants, véhicule autonome, intelligence artificielle, données et logiciels en cloud, télé-enseignement, téléprotection, gestion de l’énergie (Linky), médecine 2.0 (diagnostic et chirurgie à distance). En France,
les opérateurs paieront plus de 2 milliards d’euros les fréquences en vente. Couvrir toute l’Union européenne à 100 % pourrait coûter 500 milliards d’euros…